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Algérie, Il était une fois le football
17/11/2010

Un club, un public, une histoire…
On ne peut évoquer ce qui vient de se passer, lors du match entre le CABBA et le CRB sans avoir quelques repères historiques concernant l’équipe du Chabab de Belouizdad. Le CRB, vieux club algérois, algérien, issu d’une fusion entre deux clubs du quartier historique de Belcourt. Cette fusion a donné naissance à un des plus grands clubs algériens, une véritable légende du football. Cette équipe du CRB a dominé le football algérien et maghrébin dès la création du championnat de football algérien. Cette suprématie qui a duré jusqu’à la moitié des années 70 s’est soldé par une récolte de plusieurs titres, nationaux et maghrébins. Après un passage à vide qui a duré quelques années, le CRB s’est remis à gagner dès 1999 pour glaner encore deux titres nationaux et une coupe. Le CRB a été crée pour gagner des titres, pour former des joueurs, enfanter des grands joueurs et jusqu’à aujourd’hui, le meilleur joueur de tout les temps reste Hacene Lalmas, enfant chéri de Belcourt et maitre à jouer de cette équipe. Un autre joueur belcourtois aurait mérité le même titre, Selmi Djilal. Ce joueur qui s’est permis le luxe de faire jeu égal avec un certain Pelé. Ce grand club, chasseur de titres, a toujours attiré la sympathie d’un public connaisseur dans tous les coins de l’Algérie. A ce titre, le CRB n’appartient plus aux belcourtois mais à tous les amoureux du beau jeu dans les 4 coins du pays. La notoriété du Chabab a dépassé les limites de nos frontières, ce qui est significatif et démontre sans embage que nous parlons bien d’un grand club, d’une légende du football algérien. Le public belcourtois a toujours été reconnu pour sa sportivité. On pourra toujours chercher dans les archives et on ne trouvera aucune trace de débordement ou de violence gratuite. Au contraire, les galeries adverses peuvent témoigner que le stade du 20 aout est une enceinte où règne la sportivité et aucun supporter adverse n’a jamais été blessé à Belcourt. En 50 ans, l’on ne peut relever que quelques dépassements légers, somme toute observables un peu partout, y compris dans les plus grands stades européens.
Aujourd’hui, en 2010, dans un championnat professionnel, ou supposé comme tel, on accuse les supporters du CRB de graves dépassements et on se permet de maintenir en otages une poignée d’entre eux. L’ironie de l’histoire est que des personnes passent du statut de victime à celui d’accusé. Comment est-on arrivé à cette situation ?
C’était un match de foot, parait-il…
La saison du CRB a commencé sur les chapeaux de roue, sous la houlette d’un coach argentin, amoureux du beau jeu. Ca tombait bien, les supporters du CRB aussi. Le CRB a toujours pratiqué du beau football, c’est inscrit dans les gênes. De l’autre coté du tableau, une équipe commence très mal sa saison et ne gagne aucun match depuis l’entame de la nouvelle saison. Nous savions que ce match allait se révéler difficile, non pas du point de vue technique, le CRB version Gamondi est largement supérieur au CABBA. Non, nous avions des craintes par rapport à l’environnement, à l’ambiance et à tout ce qui a entouré ce match. Nous sentions une odeur de soufre avant le match. Mais nos supporters, amoureux de leur club, fières de ses résultats, ont mis de coté ces craintes et ont décidé de faire le déplacement. Ils sont partis faire la fête, convaincus de la supériorité de leur équipe, ils avaient promis le spectacle dans les tribunes et en effet, ce fut le spectacle, jusqu’çà la mi-temps. Banderoles géantes déployées, chants, drapeaux, encouragements. Toute la panoplie du supporter était présente. Le début du match leur a donné raison, le chabab, sans survoler le match dominait au score. La joie avait atteint son paroxysme. Le public belouizdadi continuait d’encourager son équipe afin que celle-ci creuse l’écart. L’égalisation du Bordj est parvenue au milieu d’une belle ambiance, sans parvenir à décourager nos joueurs, encore moins nos supporters. Le match s’étant équilibré, la mi-temps arrive sur quelques banderilles de part et d’autre. Et là, pour répondre au président du CABBA, qui prétend, sans preuves, que les supporters du Chabab avaient prémédité l’envahissement de terrain en cas de défaite. Nous répondons tout simplement. Les supporters du CRB étaient venus en nombre (plus de 800 personnes, ce qui est rare en Algérie) encourager leur équipe et encore une fois convaincus de la supériorité des leurs. Comment dès lors partir perdants et envisager le pire. Non président, les amoureux du Chabab étaient venus faire du bruit, donner de la voix, chanter et encourager leur équipe. Ils ne sont pas venus casser, envahir le terrain et bloquer la partie. C’est insensé, stupide et dénué de tout fondement. Il faut même être une personne incohérente et paniquée pour asséner de tels arguments fallacieux et ridicules. Les supporters du Chabab ont été poussés à descendre sur la pelouse pour fuir les jets de pierres et les agressions d’une horde de barbares. Assoiffés de sang et imprégnés d’une haine incompréhensible, des débiles bordjis ont commencé leur chasse à l’homme dans les tribunes, sous le regard passif ou complice ( ?) des forces de l’ordre. On ne peut pas, quand on est responsable d’un club en particulier et un être humain en général, reprocher à une personne d’essayer de sauver sa peau. Je pose une question à ce président et au juge qui est entrain de maintenir en otages nos supporters. Qu’auraient-du faire nos supporters face à cette agression sauvage ? Tendre l’autre joue et se laisser massacrer ? A la vérité, et c’est ici que nous pouvons démontrer qu’il s’agit d’une cabale contre le Chabab. Il fallait que le CABBA gagne par tous les moyens et certains journalistes l’ont dit dans leur compte rendu d’après match. Tout était planifié et voici quelques éléments qui permettent valider cette thèse du complot et du guet-apens :
1) entrée gratuite au stade, ce qui est un fait rare surtout dans un contexte de professionnalisation et donc de rentabilité. Nous ne pouvons pas croire que cette gratuité se soit faite sans l’aval des autorités locales (wilaya, police, APC et ligue professionnelle).
2) public chauffé à blanc par les dirigeants du CABBA
3) présence du président du CABBA au début du match et départ précipité comme pour signifier que la boucherie pouvait commencer, loin des yeux, mais près du cœur…
4) présence d’individus n’ayant aucun rapport avec l’organisation dans le stade, sur le terrain. Nous rappelons à cet effet que l’arbitre a tout pouvoir pour faire sortir du terrain toute personne en dehors des journalistes, de la police, des ramasseurs de balle, des remplaçants et de l’encadrement autorité de chaque équipe. Or il y avait de tout sur le terrain et les journalistes peuvent en témoigner.
5) passivité pour le moins étrange des forces de l’ordre et présence en nombre insuffisant. Aucune réunion entre les comités de supporters des deux clubs en amont du match, pas de plan d’évacuation en cas de problème, l’improvisation totale. Avant chaque match, une réunion aurait du se dérouler en présence des responsables des deux clubs, de la wilaya, du chef de la police locale, des deux comités de supporters et de la ligue professionnelle afin de prévenir tout débordement, tout dépassement, toute violence.
Les supporters du club adverse doivent être attendus à la gare, à l’entrée de la ville, accompagnés et raccompagnés à la fin du match afin d’éviter tout saccage, toute chasse à l’homme. Il y a toujours un risque et anticiper ces risques est du devoir des personnes en charge de l’organisation et de la gestion de toute manifestation publique. Rien de tout cela n’a été prévu, au contraire on a laissé nos supporters tomber dans un piège préparé et planifié. Ce lynchage s’est déroulé sous les yeux des forces de l’ordre. Ces dernières, au lieu d’appréhender les coupables du coté Bordji se sont acharnés sur les supporters du Chabab et les ont arrêtés et mis en comparution immédiate avec la complicité d’une autorité judiciaire toujours prompte à faire plaisir au puissant au détriment de la recherche de la vérité. Comment peut-on juger des personnes sans jugement, sans instruction de l’affaire, sans confrontation des avis, sans faire appel aux témoins visuels, sans faire appel aux images de la télévision, sans lire les articles de presse. Non, tout ceci est accessoire pour ces juges et procureurs. Ce qui compte c’est faire vite, mal et passer l’Aid en famille sans déplaire aux puissants de la région qui doivent bien renvoyer l’ascenseur. Nos jeunes croupissent dans les cellules bordjis après avoir fait un déplacement qui devait être une fête. Ils se retrouvent pris en otage et ne savent à quel saint se vouer.
De l’irresponsabilité à la gestion de l’émeute…
Que nous montre cet évènement ? Une chose simple. Aujourd’hui, en Algérie, chacun se rejette la responsabilité et personne n’assume ce qui doit être le premier droit, le droit à la sécurité, premier des droits de l’Homme. La police renvoie la balle à la ligue en prétendant qu’à l’intérieur du stade c’est à la ligue et au club qui reçoit d’organiser la sécurité. La ligue est aux abonnés absents, ses responsables préfèrent s’occuper du mouton et de la nouvelle bombe lancée par Hannachi. Le Cabba et son président irresponsable sombre dans la folie et la bêtise préférant la démagogie et le populisme, caressant les supporters bordjis dans le sens du poil et les remerciant pour leur coup de pouce. Pas un mot sur son incapacité à organiser un simple match de football. On devrait s’interroger sur la capacité de certains présidents de clubs à gérer des hommes et des biens dans un contexte explosif de mal vie, de crise économique et de crise de confiance entre le citoyen et ses responsables politiques. On laisse entre les mains de « vendeurs de poules » des bombes à retardement. C’est irresponsable et criminel. Ou alors c’est la nouvelle politique de gestion de l’émeute. Par le néant et la violence dans les stades. Une violence canalisée, circonscrite à une arène. La Rome antique à nos portes. Les algériens ont pris la machine à remonter le temps et ont remis au gout du jour le combat des gladiateurs avec cette fois une innovation. Le public participe et achève ses victimes. César n’est pas loin, il observe de loin ce spectacle de guerre quasi civile où les algériens s’entretuent. Mais loin de tout regard.
Quel avenir pour le vivre ensemble en Algérie…
Cela pose la question de la sécurité dans cette Algérie livrée à elle-même et où les citoyens se recroquevillent sur leur région, leur quartier, leur village et où l’autre devient l’ennemi. C’est une grave décadence. C’est l’échec de l’idée de l’Etat nation, c’est la faillite des responsables politiques et si nos gouvernants ne se penchent pas sur le problème, on court vers la catastrophe et on ne pourra plus revenir en arrière. La guerre civile n’est jamais loin et le sport, théoriquement vecteur de paix, de plaisir, de joie et de rassemblement, peut devenir en Algérie motif de discorde et source de maux incurables. Que l’Etat prenne ses responsabilités et fasse le ménage dans les écuries d’Augias. Elles pullulent d’aventuristes prêts à envoyer par le fond l’Algérie sous l’autel de leurs intérêts particuliers.
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